Je ne pense pas qu'il existe une édition DVD de cette oeuvre singulière. Elle paraîtra peut-être un jour, noyée dans le torrent imbuvable des sorties du mois, et presque personne n'y prêtera attention. Si vous aimez Tideland, L'esprit de la ruche, Le 6°sens, Les innocents, ce film est alors pour vous, malgré ses touchantes imperfections.
dimanche 30 mars 2008
un écho au dernier billet de Fauna
Je ne pense pas qu'il existe une édition DVD de cette oeuvre singulière. Elle paraîtra peut-être un jour, noyée dans le torrent imbuvable des sorties du mois, et presque personne n'y prêtera attention. Si vous aimez Tideland, L'esprit de la ruche, Le 6°sens, Les innocents, ce film est alors pour vous, malgré ses touchantes imperfections.
mercredi 26 mars 2008
3 ghost stories : entre tradition et modernité

Des films prenant pour cadre une maison hantée, il en existe une ribambelle, et j'avoue n'en avoir vu qu'un tout petit nombre. Je ne prétends pas ici traîter de manière exhaustive le genre de la Ghost Story telle que pratiquée par le 7°art.
Une belle histoire de fantôme se doit de posséder avant tout des qualités narratives indéniables. Avant l'ère de l'image, que la télévision a précipitée dans les foyers, le spectacle du soir était l'oeuvre du conteur. Le conteur n'est pas simplement celui qui raconte, mais c'est celui qui se substitue au livre, ou plutôt qui devient, au moyen d'une alchimie stupéfiante, un livre à lui seul, un livre aux pages grand ouvertes. Retrouver l'art du conteur est essentiel quand on prétend inviter le spectateur à déguster une Ghost Story. Le genre est codifié, et seul "le contage" (pardonnez-moi l'expression) est capable d'atténuer ce que le récit a de plus mécanique. Dans les trois films que je vais aborder, et comparer, vous retrouverez le motif commun à tout récit mettant en scène un fantôme : le château... la maison... hantés.
Peter Medak signe avec The changeling l'oeuvre la plus modeste. Cela ne signifie pas que ce soit la moins pourvue de qualité. C'est aussi la plus récente des trois puisqu'elle date de 1979. A cette époque, tout a été raconté déjà sur le thème du fantôme et de la maison hantée. Peter Medak, réalisateur canadien, conscient d'arriver après l'Américain Robert Wise, l'Anglais Jack Clayton et dans une moindre mesure, le Canadien Richard Loncraine, ne tente même pas d'innover, ni du point de vue scénaristique ni de celui de la narration. C'est même à un récit tout ce qu'il y a de plus classique auquel il nous convie. A condition de maîtriser totalement son sujet et les codes classiques de la narration ainsi que de la réalisation, le style classique donne encore des leçons à tous les obsédés de la modernité qui voudraient nous en remontrer.
C'est le caractère admirablement linéaire de la narration qui séduit tout d'abord dans The changeling. Peter Medak n'a pas envie de lâcher son spectateur en chemin, alors il prend son temps, il déploie son récit jusqu'à lui donner une envergure que, faute de mieux, je qualifierai de "romanesque". Dès le prologue de son film, j'ai eu la certitude que je serais embarqué dans une histoire intense qui ne me décevrait pas. c'est le seul film dont l'ouverture me donne ce sentiment, avec dans un autre genre celle de Blade Runner.


La demeure terrifiante de The changeling

le château gothique à souhait de The haunting, filmé avec un filtre infra rouge
La seconde qualité de ces trois films se concentre inévitablement sur la mise en scène de la demeure hantée. La manière de filmer couloir et large montée d'escaliers, chambres et salle de bain doit faire la différence avec les mauvais cinéastes.

Zoé et Eléanor entendent des bruits atroces dans le couloir
Dans Full circle, Richard Loncraine parvient à suggérer la présence du fantôme à l'aide de légers travellings, le plus souvent simplement latéraux. La caméra filme selon un axe décentré par rapport au personnage. Un plan montre Magnus (l'époux de Julia qui s'est introduit dans la nouvelle maison de sa femme) dans la salle de bain, cadré depuis le couloir, à l'extérieur de la pièce où Magnus vient de vomir. Par un léger travelling latéral vers la droite, soutenu par une note maintenue constante de synthétiseur, qui dévoile peu à peu la chambre de Julia, le cinéaste introduit un lien entre Magnus et la chambre. Nous comprenons alors qu'il n'en réchappera pas. L'ambiance est lourde à souhait, la mise en scène admirablement sobre.

L'art de filmer une fausse banalité intérieure (Full circle)
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D'où sort cette balle qui vient de dévaller l'escalier central ?

Eleonora s'isole dans sa tête : la maison l'appelle : The haunting

L'incendie purificateur de The Changeling
The haunting et Full circle se cloturent sans avoir tout résolu. Les questions qu'on se pose à la fin du film de Richard Loncraine sont tellement nombreuses qu'un trouble subsiste bien longtemps après sa vision. En ce sens, ce film propose une expérience déstabilisante proche de celle à laquelle nous conviait Peter Weir avec Picnic at Hanging Rock. Le plan final de Full circle est à ce titre un modèle de mise en scène. Ce travelling circulaire qui n'a rien de gratuit est une idée de mise en scène comme on n'en a qu'une seule dans sa putain de vie.

Julia rencontre Olivia : le génial plan final de Full circle
En définitive, Full circle s'avère le plus vicieux des trois films. En effet, l'histoire débute comme une traditionnelle ghost story dont Richard Loncraine nous laisse croire intelligemment que nous dominons les codes, d'où la croyance que nous avons de pouvoir anticiper les événements que Mia Farrow va devoir traverser au cours du récit. Peu à peu, le spectateur perd pied : l'enquête menée par Julia est classique, mais son classicisme est saboté de l'intérieur par le doute croissant qui s'empare du spectateur au sujet de l'héroine, au point qu'il finit par ne plus savoir quel crédit donner à celle qui mène l'enquête. L'intérêt du film n'est plus seulement la résolution d'un mystère, mais la gêne occasionnée par l'ambiguïté que révèle Julia. Après le dernier plan en travelling circulaire, le spectateur est irrésistiblement amené à reconsidérer chaque élément de l'enquête, et à l'interpréter différemment. L'ambiguïté de ce film fantastique exemplaire l'élève au niveau des Innocents de Jack Clayton. Henry James eût adoré le roman de Peter Straub, Julia, dont est adapté le film Full circle.

mardi 4 mars 2008
Romans noirs : les châteaux du refoulé

En littérature, je m'étais imprégné durablement des nouvelles les plus gothiques d'Edgar Alan Poe, La chute de la maison Usher (dont Jean Epstein en 1928 donnera une adaptation au cinéma à mon sens définitive car insurpassable, Ligeia, Morella. J'ai eu la chance aussi de découvrir un peu par hasard un chef d'oeuvre méconnu du genre : Hugues-le-loup (1866). Ce conte alsacien de Erckmann & Chatrian, qui réunit tous les ingrédients que j'adore dans tout récit gothique qui se respecte (un paysage de montagne mystérieux, ici transposé admirablement de l'Angleterre à l'Alsace, un château élevé aux coursives déchiquetées, un comte atrabilaire que terrifie une malédiction à laquelle il est certain de ne pouvoir échapper...). Le souffle romanesque qui se dégage de Hugues-le-loup, en cent cinquante pages à peine, continue à me refroidir et à me fasciner.
J'avais lu, plus récemment, Le château d'Argol de Julien Gracq, qui a rendu hommage à cette littérature sombre qu'il affectionnait dans sa jeunesse d'autant plus qu'elle était revendiquée par André Breton comme source d'influence majeure dans l'art surréaliste. Je dois cependant préciser que j'ai un problème avec l'écriture de Julien Gracq. Aussi admirable soit-elle, je déplore qu'elle soit totalement repliée sur elle-même. Son style se repaît de lui-même comme pour se donner une légitimité littéraire. La littérature gothique ne fut jamais considérée comme noble. Elle a pu passer à son époque comme un avatar du romantisme vieillissant, l'expression d'un genre en déclin qui ne se réduisait plus qu'à une mécanique de la peur, et tombait par conséquent dans la surrenchère grand guignol. Julien Gracq a écrit Le château d'Argol comme Marcel Proust écrivant A la recherche du temps perdu, d'une écriture d'un raffinement inouï, qui voudrait même faire paraître celle de Proust comme un sommet de vulgarité. Il expulse ainsi son lecteur à l'extérieur d'un récit complètement et inutilement hermétique, alors que la littérature gothique, par son sens du mystère, doit au contraire solliciter la participation du lecteur dont elle cherche à éveiller la sensibilité romantique.

