La même année, sort ce Lionheart, qui prouve l'important matériau dont disposait Kate Bush dans ses tiroirs. L'auditeur, déjà familiarisé avec l'album précédent (The kick inside), se coule à nouveau dans un écrin sonore soyeux tissé par une équipe de musiciens parmi lesquels on reconnaît Stuart Elliott (drums), Ian Bairnson (electric guitar) et Andrew Powell (harmonium) non seulement pour leur participation à The kick inside mais aussi à tous les albums d'Alan Parsons Project de cette époque, autre groupe anglais créateur d'une pop sophistiquée où règne le bon goût et le beau son. Parmi les nouveautés, la chanteuse est mentionnée à plusieurs reprises au piano, instrument qu'elle pratique depuis l'enfance et avec lequel elle doit probablement composer ses chansons. D'ailleurs, elle ne cachera pas, plus tard, au moment de la sortie de son album Sensual world (1989), au cours d'un des rares longs entretiens filmés qu'elle ait accordés, son admiration pour un-chanteur-pop-qui-jouait-du-piano-debout : l'indétronnable Elton John, l'artiste à l'origine de sa passion pour le piano. Autrement dit, les sonorités s'inscrivent dans une parfaite continuité. C'est à la fois la qualité de cet album et sa limite.
L'inspiration irrégulière de la diva aboutit à une oeuvre plutôt moyenne que compensent des textes assez bien écrits. Déjà, s'affirme l'originalité d'une écriture qui traîte chaque titre comme s'il s'agissait d'une nouvelle (In search of Peter Pan, Wow, Don't push your foot on the heartbrake...). Au chant, Kate Bush confirme son sens théâtral en se montrant capable d'une immense douceur (Lionheart : sa déclaration d'amour à sa terre natale), d'une sensualité capiteuse (In the warm room), devenant même, le temps d'un Coffee Homeground une sorte de Madame Loyale tout droit sortie d'un cirque. Pour ma part, le meilleur du disque me semble réuni dans les quatre dernières plages, très agréables et séduisantes en raison du léger grain de folie qui y affleure : In the warm room, Kashka from Baghdad, Coffee Homeground et Hammer Horror. Dans ce dernier titre, elle rend un hommage sympathique aux mythiques studios anglais, spécialistes des films d'horreur, ayant redoré le blason des figures légendaires de Frankestein, Dracula et autre Momie du septième art et qui employaient autant d'artistes aux noms prestigieux : Terence Fisher, Peter Cushing, Christopher Lee, Roy Ward Baker... Pour le reste, la voix haut perchée, mixée très en avant, de la chanteuse fait une fois de plus merveille.
Live at Hammersmith Odeon (1979)
The kick inside et Lionheart seront suivis d'un concert exceptionnel au fameux Hammersmith Odeon de Londres (rappelez-vous la séquence au suspens fabuleux de "L'homme qui en savait trop" d'Alfred Hitchcock où l'on voyait James Stewart tenter d'empêcher un attentat au cours d'un concert dirigé par Bernard Hermann lui-même). Un film de ce spectacle unique, autrefois édité par EMI qui avait sorti une cassette VHS (mais toujours pas réédité en DVD malheureusement), révèle le talent protéiforme d'une chanteuse qui ne se contente pas de danser ni de mettre en scène chaque titre, mais se lance aussi dans le mime (voir le moment fabuleux où Kate Bush, à l'occasion de la chanson James and the cold gun, coiffée d'un chapeau de cow boy et munie d'une carabine, tire sur tous les mâles qui osent la défier, tout en parodiant la violence graphique des westerns de Sergio Leone). Réunissant des danseurs professionnels, elle offre à un public conquis des chorégraphies délirantes. Certes, nous connaissons les concerts grandioses de Madonna, mais quelles étaient, en 1979, à part Kate Bush, les autres artistes féminines, dans le monde de la pop, à posséder un talent et une audace suffisants pour monter un tel spectacle ? Il n'y en avait point, justement. C'est pourquoi Kate Bush peut être considérée, du point de vue scénique uniquement, comme la précurseur des Madonna et autre Mylène Farmer. Je crois utile de préciser toutefois que ces deux dernières artistes ne sont pour moi en aucun cas des références, leurs chansons me laissant plutôt indifférent.
Il n'existe aucun autre concert filmé de la diva, pour la simple raison qu'elle ne remontera jamais sur scène. A-t-elle été déçue par cette expérience ? La suite de sa carrière nous apportera peut-être un élément d'explication, dès son prochain album en fait, le bien nommé Never for ever.
Never for ever (1980, EMI)
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Nous attendons de lire la suite.
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