jeudi 28 mai 2009

MIRAGE
(1977)
Brain records



programme 1 : Velvet voyage (28:16)

programme 2 : Crystal lake (29:15)

Avec MIRAGE (1977), le maître nous offre une pièce maîtresse de sa discographie, un chef d'oeuvre qui trouve immédiatement sa place à côté de cet autre monument de la musique électronique qu'est le TIMEWIND de 1975. Entre l'austère cérébralité de PICTURE MUSIC et le lyrisme flamboyant de TIMEWIND, MIRAGE trouve une place de choix, tout imprégné qu'il est d'une mélancolie inédite qui me le rend si précieux. En effet, cet album s'ingénie à réconcilier le froid et le chaud : le récent décès de son frère, glaçant Schulze au coeur de son être, confère à MIRAGE une tonalité hivernale épidermique, cependant que le travail hallucinant sur les textures sonores enveloppe chaque nappe électronique d'une chaleur prégnante sans équivalent. Jamais l'artiste n'avait atteint une telle profondeur des climats, jamais il n'avait foulé des territoires aussi proches de l'impressionnisme et du surréalisme.

La première plage, l'immense Velvet Voyage, justifie à elle seule l'écoute de ce disque. Débutant par des signaux spaciaux qui trouent l'immensité cosmique, la composition installe lentement un climat d'apesanteur d'une densité sidérale. On entend même dans les cinq premières minutes des messages de cosmonautes qui nous parviennent de façon subliminale, à peine murmurés, noyés sous des nappes synthétiques de toute beauté. L'effet est d'autant plus subtil qu'il nécessite des écouteurs pour être pleinement entendu. Cette longue introduction épouse un mouvement d'élévation qui traduit à mes yeux ce qu'on doit ressentir quand on se trouve à bord d'une fusée qui décolle. Mais le voyage peu à peu va prendre une tournure bien plus originale. Des strates sonores se superposent imperceptiblement à ce décollage. Un climat étrange, immatériel, finit par envahir l'espace sonore. Un sentiment de solitude perce dès l'instant où des synthétiseurs font tintinnabuler à l'infini leurs cordes cosmiques. Alors, il se produit pour moi à cet instant une impression sidérante qu'il m'est difficile de décrire autrement qu'en évoquant les fameuses horloges molles de Dali. L'espace sonore, après l'accumulation de diverses strates, atteint son point culminant au point que pas une seule place de vide ne vient le trouer. La masse sonore mise en branle semble se figer dans une dimension étrange où sont abolis l'espace et le temps. La désorientation devient totale, immanente. Le son remplit tous les espaces entre les oreilles jusqu'à devenir subliminal. Magique. Vers la fin, Velvet voyage négocie une boucle temporelle qui voit rejaillir les stridences spatiales de la longue introduction en même temps que l'écran sonore se vide peu à peu de tous ses choeurs synthétiques et de ses cloches tintinnabulantes.

La deuxième plage du disque n'atteindra jamais les sommets de ce premier titre, mais elle n'en demeure pas moins excellente. Crystal Lake débute par une séquence caractéristique du style schulzien qui voit s'entrechoquer deux lignes mélodiques produites par des cloches. L'effet sera reproduit par le maître dans divers albums tels ANGST, AUDENTITY et DREAMS. La répétition de ces boucles minimalistes finit par susciter un fort sentiment d'enfermement et de repli quasi claustrophobique, amplifié ensuite par l'adjonction de notes synthétiques ne variant que d'un octave et dont un écho prolonge l'inéxorable percée. Par-dessus, Schulze vient pianoter quelques nappes de clavier qu'il entrelace à sa manière improvisée dans des arabesques infinies. Vers la fin de ce titre, les lignes séquencées renvoyant au Velvet voyage s'invitent à nouveau mêlées à celles de Crystal Lake en guise de conclusion lyrique à tout l'album. Envoûtant.





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