mercredi 29 avril 2009

Klaus Schulze : le roi de la musique électronique (7)

MOONDAWN
(1976)
Brain records


Programme 1 : Floating (27'13)

Programme 2 : Mindphaser (25'35)

A quelqu'un qui manifesterait l'envie de découvrir l'univers musical de Klaus Schulze et ne saurait par quel bout entamer une discographie par trop pléthorique, voici incontestablement l'album que je lui soumettrais en guise d'initiation.

MOONDAWN n'a pas l'âpre austérité d'IRRLICHT et CYBORG. Il ne pousse pas sur le même terreau cérébral que PICTURE MUSIC et ne développe pas un univers aussi déboussolant que BLACKDANCE. Son écoute se révèle donc infiniment plus séduisante grâce à des sonorités chaudes qui humanisent la musique de Klaus Schulze. Est-ce à dire que MOONDAWN n'a aucun intérêt ? Rien n'est moins sûr.

Il est considéré en Europe comme un des chefs d'oeuvre de la musique électronique. En France, il jouit d'une réputation infaillible. A Berlin, un critique musical influent qui avait ouvert un café s'en servait comme musique d'ambiance.

MOONDAWN bénéficie d'un son ample d'une richesse qui surpasse encore celle de TIMEWIND. Tout cela provient de la technique d'enregistrement-même : pour la première fois, Schulze utilise un 4 pistes, ce qui amenuise l'aspect quelque peu artisanal des précédents opus. La liste du matériel s'enrichit d'un Big Moog, le mastodonte des instruments électroniques dont Schulze venait de faire l'acquisition auprès de son compatriote Florian Fricke, le leader de Popol Vuh, qui s'en débarassait après en avoir exploré, selon lui, toutes les entrailles sur la BO de Aguirre, la colère de Dieu et sur son album studio, le classique IN THE GARDENS OF PHARAO. En entrant en possession de cet instrument devenu mythique, Schulze intégrait le cercle des privilégiés qui ont tenté de l'apprivoiser, même si le Big Moog a la réputation de n'être jamais totalement apprivoisable. Enfin, cet album voit le retour réussi d'une structure rythmique qui rappelle les premières amours de Schulze. Mais cette fois, MOONDAWN a fait appel au service d'un vrai batteur, le génial Harald Grosskopf, qui contribue largement au succès de l'album en 1976. On avait déjà entendu de fort belles percussions dans PICTURE MUSIC même si ces instruments ne sont mentionnés ni dans le livret d'origine ni dans la réédition de SPV. MOONDAWN multiplie, on le constate, les premières fois, ce qui en fait une étape importante dans la discographie de son auteur, un disque devenu culte, un des meilleurs des années 70.

MOONDAWN est composé de deux longues plages qui contrastent un peu à la manière de PICTURE MUSIC : le premier titre déploie une grande douceur alors que le second explore un territoire beaucoup plus rock. Floating commence de manière incongrue par la voix du pape entonnant une messe tandis que des scintillements parasites évoquent un univers liquide. Bientôt, par-dessus une nappe synthétique planante, débute une séquence "célèbre" que Schulze obtient en collant deux séries de quatre notes légèrement décalées dans le temps selon le principe bien connu du canon, un peu à la manière des notes décalées de la guitare basse de Roger Waters dans le génial One of these days de Pink Floyd. Par la seule magie de cette séquence ultra efficace, Floating transporte l'auditeur dans un univers agréable où règne un esprit easy listening avant la lettre. La facilité d'écoute de ce morceau ne s'apparente toutefois aucunement à quelconque forme de concession artistique. Il est bon de se laisser bercer par la poésie des sons électroniques et le jeu tout en nuances des percussions métronomiques de Harald Grosskopf. L'envoûtement est total. Un régal.

Mindphaser débute lui aussi de la plus douce et fluide des façons, par une nappe synthétique de toute beauté qui justifie à elle seule le qualificatif d'onirique que l'on prête habituellement à la musique électronique de cette époque, et en particulier à la Cosmic Music. L'impression sur l'auditeur est celle d'une invitation au voyage, une entrée en matière des plus relaxantes qui convoque avec elle des couleurs et images abstaites, me donnant la sensation de remonter le temps jusqu'aux origines de la création du monde, comme le merveilleux titre éponyme de Vangelis sur la BO de L'APOCALYPSE DES ANIMAUX. L'état d'apesanteur dure environ 10 minutes après lesquelles Klaus Schulze opère un revirement fulgurant, totalement imprévisible, qui convoque toute la panoplie des percussions et batteries, tandis qu'un son de clavier proche de celui de Mental door se met à rocker diablement au cours d'une improvisation dont le musicien allemand a le secret. Pour soutenir l'ensemble, s'impose une ligne d'orgue conférant au titre une solennité envoûtante.

Comme souvent dans l'oeuvre discographique de Schulze, l'ensemble baigne dans une intemporalité certaine qui défie les courants et les modes. Du grand art.



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