lundi 17 décembre 2007

Kate Bush : la fée ensorceleuse



Mon ami Alexandre savait ma passion pour les voix féminines, aussi lui parut-il approprié de me faire découvrir la chanteuse anglaise Kate Bush dont je ne connaissais, je dois l'admettre, que le tube planétaire Wuthering Heights. Il lui a suffi de me faire écouter quelques titres issus de ses albums Hounds of love et Sensual world pour que je me retrouve sous l'emprise d'une pulsion soudaine d'explorer son univers musical d'une richesse inouïe. A l'instant où j'écris ces lignes, près de quinze ans se sont écoulés, et je ne me suis toujours pas remis de cette passionnante découverte.


Il me paraît naturel, et légitime, à mon tour, de vous inviter à l'exploration d'une oeuvre fascinante, déroutante, complexe, convulsive, l'oeuvre d'une artiste d'exception dont le talent se mesure à la discrétion. A ceux qui lui reprochent sa froideur, sa distance, sous prétexte qu'elle n'a jamais joué de sa célébrité, protégeant sa vie privée avec la même efficacité que notre meilleur actrice hexagonale Isabelle Hupper, et qu'elle accorde fort peu d'entretiens à la presse spécialisée, elle a toujours répondu que seule la musique l'occupait à plein temps, et que c'est la seule chose sur laquelle elle veuille bien être jugée. Avec les années, l'espace entre ses différents disques s'est allongé d'une manière qui oblige ses inconditionnels, dont je fais partie, à une patience soumise à rude épreuve. Il me vient une comparaison à l'instant : par sa discrétion, par son perfectionnisme, par la rareté de plus en plus marquée de ses productions, la carrière de Kate Bush entretient quelques rapport avec celle du cinéaste Stanley Kubrick.


Je vous propose un parcours de sa discographie en espérant que cela vous donnera, dans le cas où vous ne la connaîtriez pas, l'impulsion de plonger dans son univers créatif débridé.


Les débuts de Kate Bush sont bien connus à présent. Nous ne remercierons jamais assez David Gilmour, le guitariste et chanteur sensible de Pink Floyd, d'avoir envoyé au label EMI une cassette de démos enregistrées par la demoiselle, qui n'avait alors que dix-sept ans. A l'écoute de ses balbutiements, le patron de la boîte, conquis, lui a fait signer le contrat tant convoité. Et c'est ainsi qu'a pu paraître son premier disque :


The kick inside (1978) -EMI-
***

Soyons honnête : si cet album demeure prometteur, en revanche, rien ne permet à l'auditeur de pressentir l'énorme potentiel de la diva. Tout, de l'orchestration à la production, date un peu. Les compositions, toutes signées de Kate Bush (cela force le respect, surtout à dix-sept ans), sont intéressantes car déjà s'y profile un talent en formation : limpidité des mélodies. Mais l'album entier souffre de ce qui aurait pu inhiber la chanteuse pour le restant de ses jours. En effet, s'y cache, parmi les treize titres qui le composent, une chanson incroyable, un tube instantané, d'une beauté convulsive rare, une composition exceptionnelle : j'ai nommé l'inoubliable Wuthering Heights où la belle Kate s'inscrit sous les auspices romantiques d'Emily Brönté. En quatre minutes tendues à l'extrême, c'est un torrent d'émotions violentes qui nous submerge (l'auteur du roman eût adoré). Kate s'identifie à l'héroïne Cathy en qui elle a trouvé un modèle, une soeur jumelle qui exprime toute la folie qui l'habite. Imaginons les auditeurs qui entendirent pour la première fois le chant halluciné de K Bush : quelle claque ! que de virtuosité ! une voix à nulle autre pareille dans le domaine de la pop, très haut perchée, couvrant plusieurs octaves avec une maîtrise confondante. Il m'arrive pour ma part de comparer cette voix avec celle des chanteuses de la pop indienne, ces voix sucrées extrêmement féminines, suaves, enfantines.
Wuthering Heights
le premier couplet :
Out on the wiley, windy moors
We'd roll and fall in green
You had a temper like my jealousy
Too hot too greedy
How could you leave me ?
When i needed you to possess you
I hated you i love you too
le refrain :
Heathcliff it's me, Cathy come home
I'm so cold, let me in-a-your window
Il était évident que les autres compositions feraient un peu triste figure aux côtés de celle-ci. C'est du moins l'impression que confirme la face A du vinyl. Dans la face B, il serait dommage de passer à côté de quelques délicieuses compositions, notamment l'irrésistible Room for the life que, pour ma part, j'ai tendance à préférer au trop connu (victime de son succès) Wuthering Heights. Peut-on rester insensible aussi à un Feel it chanté avec une suavité confondante, à un mélodieux Oh to be in love. Ce qui me frappe dans cet album, c'est l'harmonie de ses compositions que Kate Bush exécute avec une fermeté étonnante pour son âge.

Lionheart (1978) -EMI-

**






5 commentaires:

Guillaume a dit…

suite au prochain épisode? Sinon s'agissant de mon artiste musicale préférée je ne sais si j'en ferais des patés pour rebondir. Du coup je vais juste réagir sur "The Kick inside" qui est un album que j'aime énormément et pas seulement pour son single phare... J'ai le sentiment d'un classique instantanné à son écoute, avec des plages merveilleusement agencées et une évidence dans l'éclosion très préparée du talent de Bush (EMI l'avait embauché deux ans avant et prépara sa lancée avec bon nombre de cours divers (chants, danse, etc...) et choix dans certaines chansons déjà écrites). Il est aussi un parfait album pour simplement découvrir KT. C'est vrai que Lionheart par la suite fait plus disque bonus avec des faces B. Enfin ça reste la période la plus fastueuse de l'artiste en matière de scène avec sa seule mythique tournée complètement folle. On peut comprendre aussi qu'elle ait par la suite pris ses distance pour ne pas être la bête d'une maison de disque.

Je ne sais pas si Kae Bush est comparable à Kubrick, sans doute par le perfectionnisme et le coté reclus, mais il me semble y avoir beaucoup plus de simplicité derrière ça. d'ailleurs sa dernière chanson "Lyra" pour BO de "La Boussole d'Or", elle l'a écrite et enregistrée très rapidement. Pour l'espace entre "The Red Shoes" et "Aerial" je crois vraiment que son fils l'a beaucoup plus préoccupé qu'autre chose... puis quel chef d'oeuvre à l'arrivée, je veux bien attendre 13 ans à chaque fois si c'est pour un tel résultat :)

fred a dit…

Oui, Ishmael, je compte parcourir la discographie complète de Kate Bush (du moins celle qui est officielle) . J'espère que je saurais m'en montrer digne et traduire avec justesse la beauté mais aussi la folie de son univers bigarré. J'aime beaucoup aussi "The kick inside", mais je trouve qu'il est difficile d'y trouver en germe le futur "The dreaming". Dans ce premier album, elle ne se cherche pas, son style est déjà très sûr, mais elle ignore combien son univers va s'ouvrir à d'autres expériences, nettement plus originales, nettement plus extrêmes, c'est ce que je trouve exceptionnel dans la carrière de Kate.

Wictoriane a dit…

a l'époque, je chantais à la perfection Babouchka, il faut dire que j'avais les mêmes cheveux qu'elle dans sa période cheveux longs et bien épais (rires).
Mais voilà que je profite de mon bref passage pour te souhaiter très sincèrement une très bonne fin d'année, lumineuse, et sans regrets...à l'année prochaine !

Holly Golightly a dit…

J'aimerais qu'elle pût te lire !
Tu es un amoureux et ta plume est ardente.

Anonyme a dit…

J'ai le même âge que The Dreaming, j'ai découvert la sorcière du son sur le tard mais pour moi, cette artiste est une perle rare. Ses textes et ses mélodies relèvent du génie et il ne se passe pas une journée sans que j'écoute ses chansons.
Merci pour ces articles dédiés à Miss Bush, c'était un plaisir de les lire !