mercredi 26 décembre 2007

Sean Young : inoubliable Rachel



Depuis la sortie du coffret 5DVD de Blade Runner, à l'occasion des fêtes de fin d'année, (quel magnifique cadeau de Ridley Scott aux fans qui n'espéraient plus une édition digne de ce chef d'oeuvre !), j'ai pu me plonger une énième fois encore dans cet univers d'une richesse inouïe dont les visions successives n'altèrent jamais le sidérant pouvoir de fascination hypnotique. Blade Runner est sans conteste un sommet de la science fiction, au même titre que 2001, a space odyssée. C'est le film le plus génialement décoré que je connaisse, un émerveillement visuel sans précédent (à l'exception du film de Stanley Kubrick évidemment). Pour recréer des univers virtuels que ce soit l'espace claustrophobique d'Alien, le Los Angeles 2020 de Blade Runner, ou la forêt enchantée, digne d'un film de Jean Cocteau, de Legend, aucun cinéaste n'égale le regard visionnaire de Ridley Scott, son génie du détail poussé à son plus haut degré d'expressivité.

Sa beauté, Blade Runner la doit aussi à ses personnages, véritable galerie vivante qui vaut par ses contrastes et sa diversité.
Il y a certes JF Sébastien, le génie de la bio-mécanique, le solitaire qui se fabrique pour compagnie, dans l'immeuble désaffecté qu'il habite, ses automates bigarrés, ses "toys" aux allures de peluches ou de marionnettes rigolotes, et qui transforment son appartement en un espace magique droit sorti d'un rêve enfantin.
Il y a aussi Pris et Roy, les deux réplicants (comprenez humains artificiels fabriqués à base de cellules synthétiques) traqués qui, avant de mourir, rêvent de rencontrer leur créateur dans l'espoir qu'il rallonge leur espérance de vie. Daryl Hannah et Rutger Hauer leur prêtent leur charisme et leur sensibilité à fleur de peau.
Mais je voudrais cette fois jeter une loupe sur le personnage le plus fascinant du film, celui dont la problématique est de loin la plus vertigineuse, la plus bouleversante, la plus tragique : j'ai nommé Rachel. Sa première apparition, dès les dix premières minutes du film (voir image ci-dessus), nous montre une femme brune extrêmement sophistiquée, limite glaçante, tout à fait emblématique de toutes ces actrices ayant incarné la femme fatale du Film Noir dont elle serait la quintessence. Mais très vite, après que Rick Deckard, le flic joué par Harrison Ford, lui a fait passer le test de Voyd-Kampft, nous est révélé par Tyrel, le créateur des réplicants, le secret de Rachel : elle n'est pas humaine, et elle l'ignore. Contrairement aux autres réplicants, elle est un prototype, un essai pour rendre les réplicants plus humains que les humains. Et à ce titre, son créateur (Tyrel) lui a implanté une mémoire artificielle lui inventant une généalogie fictive.

A la suite du test de Voyd Kampf, Rachel est prise de doutes concernant son identité. Elle ne veut pas croire qu'elle soit un réplicant et se rend chez Rick Deckard parce qu'il est le seul, en tant que Blade Runner (flic chargé d'éliminer les 6 réplicants rebelles qui se sont évadés des colonies de l'espace pour venir se mêler à la foule terrienne de Los Angeles) à avoir accès à son éventuel dossier relatant les dates de sa fabrication et de sa mise en service. Cette séquence bouleversante évolue en deux temps : tout d'abord, Rachel vient soutirer des informations à Rick Deckard; en même temps, la vérité qu'elle commence à entrevoir sur son compte est si intolérable qu'elle s'empresse de démentir Deckard en lui opposant une photo de famille qui la montre petite fille au côté de sa mère. Le flic, qui a lu son dossier (preuve qu'elle est une réplicante), lui raconte un souvenir lié à un épisode de son enfance qu'elle est censée avoir vécu avec un ancien ami. A l'évocation de cette réminiscence enfouie au coeur de sa mémoire, Rachel est émue jusqu'aux larmes. Deckard, alors, s'empresse d'abattre ses dernières résistances en lui affirmant que ce ne sont pas ses propres souvenirs, contrairement à ce qu'elle croit, que ce sont sans doute ceux de la nièce de Tyrel qu'on lui aurait implantés en guise de mémoire artificielle. Existe-t-il révélation plus cruelle que celle-ci ? Découvrir qu'on n'a pas eu d'enfance, qu'on n'a jamais été enfant, qu'on n'a jamais eu de mère, qu'on est une machine à l'effigie humaine qui n'a tout au plus que quatre ans d'existence ?


C'est cet aspect du personnage de Rachel qui rend l'histoire d'amour de Blade Runner si poignante. Deckard, flic désabusé condamné aux pires besognes (tuer), homme complètement détruit dans son humanité, redécouvre l'amour et la compassion au contact d'une femme réplicante (non humaine) qui ignorait tout des sentiments humains avant cette rencontre. Dans la séquence qui suit celle du meurtre de Léon, quand Rachel trouve refuge chez Deckard à qui elle vient de sauver la vie, la jeune femme ne comprend pas les marques d'attention de l'homme qui la rejoint au piano. D'ailleurs, elle se demande si elle a vraiment appris à jouer du piano quand elle était petite ou si on lui a implanté les souvenirs des leçons qu'aurait suivies la nièce de Tyrel.

Et survient alors le moment magnifique où Rachel, cadrée en gros plan, dénoue les attaches qui retiennent sa chevelure et la laisse se déployer autour de son visage. C'est en apprenant qu'elle n'est pas humaine qu'elle ose enfin se libérer de la femme guindée qu'elle était jusqu'alors...
...et commence à s'abandonner à la douceur d'être femme, à la tendresse de l'homme qui s'émeut à l'écouter jouer au piano.


Il est fort dommage que, pour des raisons de durée sans doute, le film ne se soit pas risqué à développer la relation ente Deckard et Rachel. Il eût été si passionnant de suivre la lente remontée des émotions refoulées du détective ainsi que l'acceptation progressive de ses sentiments par la jeune réplicante, son combat contre sa mémoire fictive, sa pemière naissance à la vie en sorte.


Si Blade Runner avait défendu ses personnages avec la même ardeur que la reconstitution de son Los Angeles futuriste, alors c'eût probablement été selon moi le meilleut film de tous les temps. En l'état actuel, ça n'est qu'un chef d'oeuvre : après tout, ce statut n'est pas offert à tous.
Un dernier point (qui n'engage pas que moi) : a-t-on suffisamment loué la rare beauté de Sean Young, interprête de Rachel, dans ce qui fut son premier rôle à l'écran ?

6 commentaires:

Holly Golightly a dit…

Frédéric, je n'ai encore jamais vu ce film. Mais je te lis avec passion, comme toujours. Je retiens ces mots : "Découvrir qu'on n'a pas eu d'enfance, qu'on n'a jamais été enfant, qu'on n'a jamais eu de mère, qu'on est une machine à l'effigie humaine qui n'a tout au plus que quatre ans d'existence ?"

fred a dit…

Holly, en reconsidérant le personnage de Rachel dans ce film, j'ai en effet beaucoup pensé à une personne de mon entourage qui ne peut que s'y retrouver dans une certaine mesure. Je t'envie car, tu ne sais pas l'émotion qui va t'étreindre quand tu auras l'occasion de découvrir "Blade Runner".

Guillaume a dit…

Magnifique personnage oui... et ce qui est surprenant c'est à quel point dans toute sa carrière Sean Young n'a été méméorable, voir reconnaissable qu'à travers elle!

Lamousmé a dit…

je suis passé à coté de tant de choses??? une bonne occasion de redécouvrir ce film alors!!!

Rom a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Bonjour,
Le personnage de Rachel est l'un des plus marquants de l'histoire du cinéma. Un personnage magnifique trouvant son écrin dans une actrice qui n'aura trouvé qu'un seul film (mon préféré au passage) pour rendre hommage à sa beauté toute en mélancolie.
"Et l'oeuf a éclos. Et des centaines de bébés araignées sont apparues. Ils l'ont mangé"...