lundi 13 avril 2009

klaus schulze : le roi de la musique électronique (5)

BLACKDANCE
(1974)
Brain et Virgin


pochette de Urs Ammann

Les fans de Klaus Schulze sont en droit de préférer CYBORG à BLACKDANCE. Pour ma part, même si je considère historiquement CYBORG comme une borne incontournable de la musique électronique, je ne puis m'empêcher de lui préférer BLACKDANCE. Ce n'est pas une question de qualité artistique, mais plutôt d'ambiance sonore.
Il est évident, dès le premier titre Waves of changes, que la palette sonore s'est enrichie d'une guitare acoustique 12 cordes et surtout d'une boîte à rythme dont l'utilisation par Schulze est un modèle d'invention et d'originalité que peu d'artistes sauront après lui exploiter avec un tel art. Les percussions africaines qui interviennent au cours de la seconde partie de Waves of changes apportent elles aussi une touche décalée qui transporte l'auditeur dans un monde d'une étrangeté fort séduisante.
Quand j'écoute ce titre ainsi que les deux autres de cet excellent album, je ne pense à rien de concret. Aucune image ne vient me projeter mon film intérieur. Mon écoute se focalise sur les textures sonores, proprement hallucinantes. Le second titre, Some velvet phasing, en est un exemple étonnant. Ce n'est qu'une improvisation dont Schulze a le secret. On ne peut pas affirmer que ce morceau soit mélodiquement d'une folle invention, et pourtant, bien qu'il soit sans queue ni tête, il fascine du début à la fin. Schulze s'intéresse presque plus à la texture du son qu'à la combinaison des notes entre elles. Sur Some velvet phasing, il invente une matière sonore vivante. Le titre du morceau est là pour l'indiquer. Les synthés se moulent dans une étoffe veloutée qui se tord, se plie et s'enroule sur elle-même. L'effet est particulièrement frappant au casque : le son se retourne sur lui-même comme une feuille qui serait cornée.
BLACKDANCE garde cependant le meilleur pour la fin. Le troisième titre Voices of sin s'avère être incontestablement mon préféré de toute la discographie de Schulze. Il débute, idée géniale s'il en est, par une voix de basse qui provient d'un enregistrement de Verdi. Autant le traitement hallucinant que Schulze fait subir à un orchestre symphonique sur IRRLICHT demeure encore de nos jours une audace surprenante, autant cette voix de basse prise isolément, sans aucun effet électronique, uniquement une ligne vocale de l'art lyrique, perturbe de manière impressionnante les repères de l'auditeur. Puis, les synthés se superposent à cette voix solo en dessinant derrière elle un tapis qui, comme dans Some velvet phasing, se tortille et s'enroule, créant un effet saisissant. La background sonore passe imperceptiblement à l'avant-plan au fur et à mesure que la voix de basse s'estompe. Peu après, une séquence synthétique syncopée, produisant un son métallique étrange, s'enclanche pour ne plus s'interrompre ni baisser de rythme pendant deux bons tiers du morceau. Quand enfin s'ajoutent à l'ensemble les notes d'un piano désaccordé, l'édifice sonore ainsi produit déploie une ambiance particulièrement claustrophobique. Vraiment, un grand morceau !
Pour la première fois à mes yeux, Klaus Schulze crée une musique qui ne sera jamais copiée et n'entraînera aucun émule dans sa voie. Si CYBORG a pu inspirer le OXYGENE de J.M.Jarre, en revanche BLACKDANCE restera un album à nul autre pareil, une expérience fantastique dans laquelle s'égare l'auditeur plongé dans une dimension étrange. Je suis d'accord avec Steve Wilson, leader de Porcupine Tree et Blackfield : BLACKDANCE est l'oeuvre musicale la plus insolite que je connaisse.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pourtant, Blackdance est un album de Schulze n'aime pas. Il trouve que les percussions et les improvisations ne vont pas bien ensemble, ce qui n'empêche pas d'aimer l'album....

Pour ma part, Picture Music est bien mieux ;-)