lundi 31 décembre 2007
Blade Runner - Deckard meets Rachael
Afin de compléter le billet que j'ai consacré à Blade Runner, je joins trois vidéos qui dévoilent admirablement ce que j'ai tenté de dépeindre concernant la relation étrange et bouleversante entre Deckard et Rachel.
dimanche 30 décembre 2007
mercredi 26 décembre 2007
Sean Young : inoubliable Rachel

Sa beauté, Blade Runner la doit aussi à ses personnages, véritable galerie vivante qui vaut par ses contrastes et sa diversité.
Il y a certes JF Sébastien, le génie de la bio-mécanique, le solitaire qui se fabrique pour compagnie, dans l'immeuble désaffecté qu'il habite, ses automates bigarrés, ses "toys" aux allures de peluches ou de marionnettes rigolotes, et qui transforment son appartement en un espace magique droit sorti d'un rêve enfantin.
Il y a aussi Pris et Roy, les deux réplicants (comprenez humains artificiels fabriqués à base de cellules synthétiques) traqués qui, avant de mourir, rêvent de rencontrer leur créateur dans l'espoir qu'il rallonge leur espérance de vie. Daryl Hannah et Rutger Hauer leur prêtent leur charisme et leur sensibilité à fleur de peau.
Mais je voudrais cette fois jeter une loupe sur le personnage le plus fascinant du film, celui dont la problématique est de loin la plus vertigineuse, la plus bouleversante, la plus tragique : j'ai nommé Rachel. Sa première apparition, dès les dix premières minutes du film (voir image ci-dessus), nous montre une femme brune extrêmement sophistiquée, limite glaçante, tout à fait emblématique de toutes ces actrices ayant incarné la femme fatale du Film Noir dont elle serait la quintessence. Mais très vite, après que Rick Deckard, le flic joué par Harrison Ford, lui a fait passer le test de Voyd-Kampft, nous est révélé par Tyrel, le créateur des réplicants, le secret de Rachel : elle n'est pas humaine, et elle l'ignore. Contrairement aux autres réplicants, elle est un prototype, un essai pour rendre les réplicants plus humains que les humains. Et à ce titre, son créateur (Tyrel) lui a implanté une mémoire artificielle lui inventant une généalogie fictive.


C'est cet aspect du personnage de Rachel qui rend l'histoire d'amour de Blade Runner si poignante. Deckard, flic désabusé condamné aux pires besognes (tuer), homme complètement détruit dans son humanité, redécouvre l'amour et la compassion au contact d'une femme réplicante (non humaine) qui ignorait tout des sentiments humains avant cette rencontre. Dans la séquence qui suit celle du meurtre de Léon, quand Rachel trouve refuge chez Deckard à qui elle vient de sauver la vie, la jeune femme ne comprend pas les marques d'attention de l'homme qui la rejoint au piano. D'ailleurs, elle se demande si elle a vraiment appris à jouer du piano quand elle était petite ou si on lui a implanté les souvenirs des leçons qu'aurait suivies la nièce de Tyrel.
Et survient alors le moment magnifique où Rachel, cadrée en gros plan, dénoue les attaches qui retiennent sa chevelure et la laisse se déployer autour de son visage. C'est en apprenant qu'elle n'est pas humaine qu'elle ose enfin se libérer de la femme guindée qu'elle était jusqu'alors...


Il est fort dommage que, pour des raisons de durée sans doute, le film ne se soit pas risqué à développer la relation ente Deckard et Rachel. Il eût été si passionnant de suivre la lente remontée des émotions refoulées du détective ainsi que l'acceptation progressive de ses sentiments par la jeune réplicante, son combat contre sa mémoire fictive, sa pemière naissance à la vie en sorte.
mercredi 19 décembre 2007
Kate Bush : la fée ensorceleuse (2°partie)

La même année, sort ce Lionheart, qui prouve l'important matériau dont disposait Kate Bush dans ses tiroirs. L'auditeur, déjà familiarisé avec l'album précédent (The kick inside), se coule à nouveau dans un écrin sonore soyeux tissé par une équipe de musiciens parmi lesquels on reconnaît Stuart Elliott (drums), Ian Bairnson (electric guitar) et Andrew Powell (harmonium) non seulement pour leur participation à The kick inside mais aussi à tous les albums d'Alan Parsons Project de cette époque, autre groupe anglais créateur d'une pop sophistiquée où règne le bon goût et le beau son. Parmi les nouveautés, la chanteuse est mentionnée à plusieurs reprises au piano, instrument qu'elle pratique depuis l'enfance et avec lequel elle doit probablement composer ses chansons. D'ailleurs, elle ne cachera pas, plus tard, au moment de la sortie de son album Sensual world (1989), au cours d'un des rares longs entretiens filmés qu'elle ait accordés, son admiration pour un-chanteur-pop-qui-jouait-du-piano-debout : l'indétronnable Elton John, l'artiste à l'origine de sa passion pour le piano. Autrement dit, les sonorités s'inscrivent dans une parfaite continuité. C'est à la fois la qualité de cet album et sa limite.
L'inspiration irrégulière de la diva aboutit à une oeuvre plutôt moyenne que compensent des textes assez bien écrits. Déjà, s'affirme l'originalité d'une écriture qui traîte chaque titre comme s'il s'agissait d'une nouvelle (In search of Peter Pan, Wow, Don't push your foot on the heartbrake...). Au chant, Kate Bush confirme son sens théâtral en se montrant capable d'une immense douceur (Lionheart : sa déclaration d'amour à sa terre natale), d'une sensualité capiteuse (In the warm room), devenant même, le temps d'un Coffee Homeground une sorte de Madame Loyale tout droit sortie d'un cirque. Pour ma part, le meilleur du disque me semble réuni dans les quatre dernières plages, très agréables et séduisantes en raison du léger grain de folie qui y affleure : In the warm room, Kashka from Baghdad, Coffee Homeground et Hammer Horror. Dans ce dernier titre, elle rend un hommage sympathique aux mythiques studios anglais, spécialistes des films d'horreur, ayant redoré le blason des figures légendaires de Frankestein, Dracula et autre Momie du septième art et qui employaient autant d'artistes aux noms prestigieux : Terence Fisher, Peter Cushing, Christopher Lee, Roy Ward Baker... Pour le reste, la voix haut perchée, mixée très en avant, de la chanteuse fait une fois de plus merveille.
Live at Hammersmith Odeon (1979)

The kick inside et Lionheart seront suivis d'un concert exceptionnel au fameux Hammersmith Odeon de Londres (rappelez-vous la séquence au suspens fabuleux de "L'homme qui en savait trop" d'Alfred Hitchcock où l'on voyait James Stewart tenter d'empêcher un attentat au cours d'un concert dirigé par Bernard Hermann lui-même). Un film de ce spectacle unique, autrefois édité par EMI qui avait sorti une cassette VHS (mais toujours pas réédité en DVD malheureusement), révèle le talent protéiforme d'une chanteuse qui ne se contente pas de danser ni de mettre en scène chaque titre, mais se lance aussi dans le mime (voir le moment fabuleux où Kate Bush, à l'occasion de la chanson James and the cold gun, coiffée d'un chapeau de cow boy et munie d'une carabine, tire sur tous les mâles qui osent la défier, tout en parodiant la violence graphique des westerns de Sergio Leone). Réunissant des danseurs professionnels, elle offre à un public conquis des chorégraphies délirantes. Certes, nous connaissons les concerts grandioses de Madonna, mais quelles étaient, en 1979, à part Kate Bush, les autres artistes féminines, dans le monde de la pop, à posséder un talent et une audace suffisants pour monter un tel spectacle ? Il n'y en avait point, justement. C'est pourquoi Kate Bush peut être considérée, du point de vue scénique uniquement, comme la précurseur des Madonna et autre Mylène Farmer. Je crois utile de préciser toutefois que ces deux dernières artistes ne sont pour moi en aucun cas des références, leurs chansons me laissant plutôt indifférent.
Il n'existe aucun autre concert filmé de la diva, pour la simple raison qu'elle ne remontera jamais sur scène. A-t-elle été déçue par cette expérience ? La suite de sa carrière nous apportera peut-être un élément d'explication, dès son prochain album en fait, le bien nommé Never for ever.
Never for ever (1980, EMI)

lundi 17 décembre 2007
Kate Bush : la fée ensorceleuse

Je vous propose un parcours de sa discographie en espérant que cela vous donnera, dans le cas où vous ne la connaîtriez pas, l'impulsion de plonger dans son univers créatif débridé.
Les débuts de Kate Bush sont bien connus à présent. Nous ne remercierons jamais assez David Gilmour, le guitariste et chanteur sensible de Pink Floyd, d'avoir envoyé au label EMI une cassette de démos enregistrées par la demoiselle, qui n'avait alors que dix-sept ans. A l'écoute de ses balbutiements, le patron de la boîte, conquis, lui a fait signer le contrat tant convoité. Et c'est ainsi qu'a pu paraître son premier disque :

Lionheart (1978) -EMI-
**

vendredi 14 décembre 2007
Le lecteur solitaire

samedi 8 décembre 2007
L'Australie : ce territoire ancestral, terreur de l'homme blanc

En littérature, l'Occident est tributaire du Royaume-Uni dans sa conception du genre fantastique, tandis que les USA nous ont contaminés dans notre perception du genre à travers leurs films. Entrer dans le cinéma fantastique australien, c'est accepter de découvrir un territoire vierge que n'a jamais réussi à aliéner le Christianisme. Vous n'y retrouverez pas les thèmes habituels à la culture anglo-saxonne : les fantômes, les morts-vivants, les monstres et les maisons hantées y sont proscrits. Ces films ignorent superbement le combat du Bien et du Mal, même si la notion de culpabilité les travaille souterrainement.
Pour comprendre le Fantastique australien, il ne faut jamais perdre de vue la culpabilité intrinsèque de l'homme blanc colonisateur. Fier de sa supériorité morale et culturelle, ce dernier a décimé les tribus primitives qui vivaient dans les territoires du Rêve depuis des millénaires. Ce génocide fait écho à un autre génocide, planifié lui aussi par l'homme blanc, sur le continent américain. Dans l'histoire des deux pays, une égale incompréhension de l'homme occidental à ce point persuadé du progrès humain à l'oeuvre dans son modèle social qu'il ne peut concevoir que les hommes primitifs puissent ne pas l'adopter, eux qui vivent dans l'ignorance et la barbarie. Je refuse de faire ici de la politique, mais cette prétendue supériorité de l'homme blanc me révulse. L'Occident a fait preuve d'une invention inouïe pour créer un monde factice qu'il puisse contrôler à son humeur. Mais il a oublié ses origines, il s'est détourné de son rapport à la Terre Nourricière, il a oublié qu'il n'était qu'un maillon dans la chaîne de la Vie, et que l'état de Nature lui préexistant n'avait pas besoin de lui pour vivre.
Voilà la réflexion qui sous-tend les films fantastiques australiens des années 70, sans que celle-ci prenne pour autant le pas sur leur récit. Dans le regard des artistes de cette époque, le territoire australien apparaît dans sa magnificence la plus élémentaire, au croisement de la fascination et de l'inquiétude.
Trois films majeurs s'inscrivent dans ce courant fantastique secrété par le paysage : Picnic at Hanging Rock, The last wave et Long week-end, respectivement sortis dans les salles françaises en 1975, 1977 et 1979
On y retrouve à son zénith la confrontation de la civilisation occidentale chrétienne et de l'état de nature primitif. Ce qu'ils montrent de la société de l'homme blanc est évolutif : en effet, en 1900, la société empreinte de puritanisme victorien apparaît dans Picnic at Hanging Rock comme déjà coupée de ses origines, même si le cheval reste encore un moyen de transport des plus naturels. L'ameublement intérieur du pensionnat de Miss Appleyard, totalement asphyxiant et rythmé par le mouvement métronomique des horloges, et la prédominance étouffante des toilettes, exacerbent la rigueur morale d'une pensée chrétienne repliée sur elle-même. La frustration engendrée sur les esprits aboutit à une négation du corps. Mademoiselle de Poitiers, professeur de Français dans l'établissement de Miss Appleyard, bien que prisonnière de cette société rigide, apparaît comme la moins coupée de la dimension physique. N'est-elle pas la seule à se montrer sensible à la beauté de Miranda à laquelle la renvoie la Vénus de Botticcelli ? La prof de maths, quant à elle, reste bloquée dans l'univers de l'abstraction pure (elle feuillette un livre de géométrie).

Picnic at Hanging Rock, de Peter Weir (1975)





dimanche 2 décembre 2007
Lumineux regrets en commande
Je passe donc commande auprès de vous. Si vous êtes intéressé(e), n'hésitez pas à me le faire savoir. Le livre sera en vente bientôt sur le site internet de l'éditrice : www.miroirsdusud.com
Je vous souhaite un dimanche tranquille. Restez à l'écoute de vous-même.
samedi 1 décembre 2007
Proposition de maquette pour couverture de livre
C'est vers la première ci-dessous que va ma préférence. Mais j'attends l'accord des photographes qui en sont les auteurs. J'espère qu'ils accepteront le projet, sachant que leurs noms figureront sur la couverture, me promet mon éditrice.
La seconde me convainc beaucoup moins, et pourtant c'est ce genre d'image que je visualisais au départ dans ma tête.
La troisième me plaît énormément, et concurrence la première dans mes préférences.

Et vous, qu'en pensez-vous ?
lundi 26 novembre 2007
Sagesse de l'enfance

dimanche 25 novembre 2007
Sortie en catimini d'une oeuvre intime

mercredi 14 novembre 2007
L'apocalypse des animaux

probablement le singe bleu
jeudi 8 novembre 2007
La vérité de Michel Tournier
Mais si je me suis mis au clavier ce soir, ce n'est pas pour évoquer ce livre inclassable, je n'en ai pas le temps. Je voudrais noter une pensée extraite du roman car je l'ai trouvée d'une vérité si absolue qu'elle m'a donné des frissons. J'avais l'intuition de cette vérité, mais je n'aurais jamais su l'exprimer avec autant de clarté que Michel Tournier. La voici :
"Je note au passage combien les choses enfantines ont d'affinité avec la pensée abstraite -qu'ont-elles donc en commun ? Le désintéressement, la simplicité de ce qui est fondamental ? Comme si un certain silence d'avant le langage des adultes rejoignait la pensée sereine des sommets."
mercredi 7 novembre 2007
Atom Egoyan ou l'indicible complexité des êtres

Depuis que j'écris, et que je suis parvenu à une certaine maturité de mon activité littéraire, je cherche à traquer la vérité secrète des êtres derrière leur apparence sociale. J'ai besoin de débusquer ce qu'ils ignorent eux-mêmes, ce qui les fait vivre sans qu'ils en aient conscience. Et à ce jeu, Atom Egoyan n'a pas son égal : la connaissance profonde qu'il manifeste à l'égard de la psyché humaine me touche beaucoup plus que celle de Ingmar Bergman, cinéaste que pourtant j'admire. Je vais essayer de m'expliquer.
Ingmar Bergman ausculte l'âme de ses personnages, qu'ils soient masculins ou féminins, avec la précision sans appel que lui permet sa lucidité au scalpel. Il va chercher très loin la source de nos frustrations, de nos jalousies, de nos malaises, et les étale sans état d'âme, impudique dans son approche de dévoilement des masques sociaux. Peu ou prou, Atom Egoyan procède aussi par dévoilement de l'indicible, mais, à la différence de Bergman, connu pour sa misanthropie, il débusque la vérité cachée des êtres pour en révéler les souffrances, et pour nous permettre de réévaluer la première impression qu'ils nous ont laissée. C'est un travail de réhabilitation auquel s'est attelé le cinéaste canadien, qui révèle son empathie pour les marginaux, les êtres au comportement étrange, suspects voire malsain. La perversité d'Egoyan est nuancée par sa profonde humanité.
Un film déploie le talent d'Egoyan à son zénith : il s'agit de son chef d'oeuvre : EXOTICA

Egoyan a saisi avec une pertinence exceptionnelle le manège obsédant et opaque des rituels dont nous sommes tous les prisonniers. Chaque personnage d'Exotica est exposé tout d'abord dans son opacité, comme accomplissant un rituel complètement bizarre voire malsain.
Christina travaille dans une boîte de nuit spéciale, Exotica, où elle danse devant des hommes venus se détendre après le travail de la journée. Certains clients la payent pour qu'elle vienne faire son numéro de streap-tease à leur table. Mais le règlement du club stipule l'interdiction pour les clients de toucher les filles qui se dénudent. Nous ne savons rien de Christina, au départ, seulement qu'elle accomplit son travail nocturne avec une certaine conscience professionnelle. D'où vient-elle ? Pourquoi officie-t-elle dans ce club à côté duquel sa beauté juvénile jure un peu ?



Eric est le disc jokey du club Exotica. Il domine la scène et la salle où s'installent les clients. Son rôle consiste surtout à introduire le numéro des danseuses qu'il valorise de ses improvisations érotiques. il n'oublie pas non plus celles qui attendent le bon vouloir d'un client pour venir se dénuder à sa table. Mais sa libido s'enflamme toujours lorsqu'il doit présenter le numéro de Cristina, laquelle en jupe et chemisier d'écolière se déhanche sur la mélodie langoureuse et si suggestive "Everybody knows" de Leonard Cohen. Qui est Eric ? Est-il un pervers qui succombe au fruit trop mûr de Cristina sans pouvoir l'approcher ? Celle-ci jette parfois un oeil vers lui, dans les hauteurs de la salle, et leurs regards suggèrent qu'ils se connaissent. Mais depuis quand ? Pourquoi Eric est-il jaloux quand Cristina se rend à la table de Francis, le contrôleur des impôts, et discute avec ce dernier autour d'un verre qu'il lui a offert ?
La première partie du film passe d'un personnage à l'autre sans qu'on parvienne à identifier l'enjeu narratif. Mais y-a-t-il vraiment un récit ? Non, pas dans le sens classique du terme. L'opacité des êtres, et de leur rituel pour le moins étrange, s'explique par l'accumulation des événements du passé qui les ont conduits jusqu'à ce club où nous les découvrons tous les soirs. Pour certains, ces événements remontent jusqu'à leur tendre jeunesse. Les flash-back d'Exotica ne sont pas novateurs, certes. On peut citer d'autres films qui dévoilent peu à peu le passé des personnages par ce genre de retour en arrière qui finissent par expliquer leurs actes du présent. Sauf que Atom Egoyan, lui, n'a pas construit son film en deux parties, dont l'une correspondrait au passé et l'autre au présent. En fait, ce principe de dévoilement progressif du mystère propre à chaque personnage est celui du film tout entier. Cette astuce scénaristique rend le film de plus en plus passionnant à mesure que sont dévoilées des bribes du passé. Le spectateur ne peut plus décrocher car la construction dramatique, d'une réelle virtuosité, mais jamais gratuite, ne lui permet pas d'anticiper le dénouement. C'est l'un des rares films que je connaisse dont les personnages en savent beaucoup plus que le spectateur. Ce dernier, vers la fin seulement, recolle les pièces du puzzle, et accède à l'intimité des personnages. Enfin presque.



lundi 5 novembre 2007
River Phoenix : un ange est passé...



Couronné du prix d'interprétation masculine au festival de Venise, River Phoenix termine sa carrière avec ce film poétique. Mike et Scott sont deux amants prostitués. Scott a devant lui un avenir déjà tout tracé (il devra reprendre la succession de son père), alors que Mike recherche, dans la solitude du bitume, ses origines : une mère dont il n'a que de vagues souvenirs de films super 8 fauchés, et un père inconnu. Mike est aussi atteint d'une maladie assez rare, qui le voit s'évanouir à tout instant de la journée : la narcolepsie. La silhouette de River Phoenix au milieu d'une route ne menant nulle part est restée et restera à jamais gravée dans ma rétine. Il compose un personnage déchirant, abandonné de sa famille, et tentant de survivre comme il peut, obligé de se prostituer, et vouant un amour délicat à son meilleur ami : Scott. Je me sens incapable de décrire la sensibilité de son jeu. Ce rôle présentait tous les pièges du mélodrame : Mike est un paumé au grand coeur qui rêve des bras de sa mère dont il a été arraché précocément. Mais River Phoenix, par la justesse incroyable de son jeu, évite tous ces écueils avec un talent rare. Le couple qu'il forme avec Scott (Keanu Reeves) est inoubliable. La magnifique séquence auprès d'un feu de camp au cours de laquelle Mike, transi et totalement renfermé dans sa souffrance, déclare fort maladroitement son amour pour Scott rejoint celle où Chris Chambers s'effondre en larmes lui-même auprès d'un feu de camp dans Stand by me. La fragilité que nous lisons sur son visage exprime la déchéance de ces êtres que la vie n'a jamais épargnés, et qui, résignés, poursuivent leur chemin errant, trop détruits pour pleurer, trop démunis pour se défendre, enfin trop peu sûrs d'eux pour exiger quoi que ce soit de ceux qu'ils aiment. C'est ce sentiment d'inertie que l'acteur exprime avec une force saisissante : quels que soient les événements qu'il traverse, les plus sordides comme les plus tendres, Mike garde, indélébile, ce regard d'enfant insondable que plus rien ne peut sauver.


jeudi 1 novembre 2007
une grande dame nous a quittés


Je vous invite à y jeter un oeil à l'adresse suivante (vous pourrez y lire quelques lignes consacrées à Deborah Kerr) : http//vargen57.unblog.fr
mercredi 31 octobre 2007
Le grand Meaules de nos jours



Jean-Daniel Verhaeghe, en 2006, a corrigé les défauts du premier film en revenant vers un style infiniment plus simple, mais qui finit pas sombrer dans l'académisme. Si les adolescents d'ajourd'hui vont voir ce film, ce qui est loin d'être une certitude, je comprendrai que cela les rebute encore plus du roman. En fait, ce qui me gêne, ce sont peut-être les raisons que je devine sous-jacente au film. N'oublions pas qu'il y a trois ou quatre ans, un film anodin a eu contre toute attente un très joli succès en France, dans les salles. Les Choristes a séduit un public populaire sensible à la madeleine que lui tendait cette comédie de moeurs. La France faisait comme si elle vivait encore dans les années cinquante. Ce retour à l'ordre, à l'autorité, cette négation du mal des banlieues. Certes, de belles valeurs traversent ce film, mais quel anachronisme ! Du coup, au collège, et ailleurs, les chorales se sont multipliées. Une émission de télé réalité a profité de l'engouement pour cette époque où les délinquants n'existaient pas. Dans Le pensionnat, on retrouvait l'autorité du proviseur rétablie. Le grand Meaulnes semble suivre les traces de cet état d'esprit dans l'air du temps, ce que tendrait à confirmer la présence de l'acteur découvert dans les Choristes, Jean-Baptiste Maunier (tiens encore un prénom composé commençant par Jean !). C'est donc un film sage comme une image, totalement inoffensif, qui ne comprend rien aux tourments d'Augustin Meaulnes réduits à pas grand chose. La réalisation est tout juste du niveau d'un téléfilm français, tellement appliquée que n'y passe aucune magie. Mais qu'est devenu le charme bouleversant du roman ? Le pire dans cette adaptation, c'est la disparition presque totale d'un personnage primordial du livre, même s'il y apparaît assez peu : Frantz de Galais. Les scénaristes ont eu peur de la complexité des intrigues, et ont décidé d'en sacrifier une partie. Malheureusement, Frantz de Galais, le double fantasmé d'Augustin Meaulnes, perd toute sa signification, sa force. Disparu l'épisode des Bohémiens qui s'installent dans le village, disparue l'aide qu'apporte le bohémien (Frantz déguisé) pour permettre à Meaulnes de retrouver le domaine sans nom. Au-delà de cette faute de goût, l'adaptation est plutôt fidèle, mais tronquée, ce qui ne rend pas justice à la belle et savante construction narrative du roman. Si vous êtes comme moi des admirateurs du roman, passez votre chemin, la douleur serait trop forte.